Thème de “l’automate”— Vous ne le ferez pas !— Pourquoi ? Détrompez-vous.— Non, vous ne le ferez pas. Vous êtes comme un automate, vous êtes conditionné, vous êtes comédien plus que tout et vous ne pourrez vous en défaire. Appris votre métier, et appris à l’aimer avec passion avant que de penser.— J’ai assez d’orgueil pour le faire seulement pour vous donner tort, vous savez ?— Non, même pas.— A vous écouter, je suis bien peu libre.— Vous êtes libre de vos pensées, peut-être bien, non de vos actes.——————Thème du public— On ne peut se passer du public (les autres) pour exister et cela donne une bonne raison de le haïr pour cela, en même temps que de l’aimer. N’avez-vous jamais senti comme cet « amour » était empoisonné ? N’avez-vous jamais senti comme cet amour variait selon nos humeurs ? Nous sommons le public de nous aimer et de nous applaudir. Nous l’exigeons de lui, et gare à lui s’il ne joue pas son rôle. Qu’il nous renvoie notre faiblesse et nous le détestons. Ce que nous aimons en lui, c’est l’image transfigurée de nous-même.——————Thème hier soir— Comment était-il hier soir ?— Il m’a paru tout à fait— Je l’ai même trouvé particulièrement enjoué.— C’est vrai. N’est-ce pas, Daphné ? Je vous ai entendu rire en coulisses. C’était à quel propos ?— Rien, madame. Je ne me souviens pas. Mais c’est vrai qu’il était d’une humeur excellente et une fois ou deux il a ri. Il était comme un petit garçon.— Qui prépare une mauvaise plaisanterie. Qui sait ? peut-être avait-il déjà en tête son mauvais coup.—————— Il n’aura pas le courage. Il demandera à un régisseur ou à nous-mêmes ou à une simple affiche à l’entrée du théâtre d’annoncer la nouvelle. Un comédien a tous les courages pour un rôle, mais aucun pour lui-même.—————Acte unOn ne le trouve nulle part à deux heures de la représentation, il est en ville. Qui l’a vu en dernier ? Qu’a-t-il dit ? L’un l’a croisé et il a fait mine de ne pas le voir, de ne pas le reconnaître, seulement sourire.—> Confession (apparition devant le rideau). Je suis un vieil homme fatigué. (Attention, on ne se suicide que jeune, pas vieux. C’est un « rêve » de jeunesse, il faut de l’énergie, de la force, de la passion. Je n’y ai jamais cru de toute façon. Mais je suis bien quand je joue. Car je ne pense pas. Mais avant et après, quelle horreur !Acte deuxIl ne dit rien de précis, louvoie. Comment te sens-tu ? demande-t-il. Comment est ta carrière ? Le public ? Il faut passer au maquillage,etc. Eux se préparent et viennent en costume ? — Je ne jouerai pas ce soir.—> Confession : quelle légèreté ! quelle liberté !Acte troisBallet des partenaires pour le convaincre. —> Je vais jouer. Je ne sais faire que cela, je ne suis bon qu’à ça. Ne partez pas, cher public, ne partez pas. Vous en aurez pour votre argent, une fois de plus.—————Ravenna, 7/08/09Décor : la pièce se déroule dans un théâtre. Le décor représente les coulisses du théâtre. : une salle commune et trois ou quatre portes correspondent aux loges de chacun des comédiens. Leur vrai nom est inscrit sur chacune des portes.Rôles :Le rôle principal masculinLe rôle secondaire masculinLe régisseurLe jeune comédienLe rôle principal fémininLa jeune comédienne——————(Une femme m’a reconnu et m’a dit qu’elle venait ce soir.)RPF. — Eh bien ? Avez-vous des nouvelles ?RPM. — Non. Pas encore. En tout cas, il n’est pas rentré ? J’ai demandé au régisseur (vrai nom) de rester en ville et d’inspecter tous les restaurants et les cafés.RPF. — Ce n’est pas croyable. Personne ne l’a vu depuis ce matin. Il n’a sans doute pas pris son petit déjeuner à l’hôtel.— Il parlait hier soir de l’église du village voisin. Il voulait la visiter. Souvenez-vous de la manière dont il a longuement disserter sur l’art roman. L’art roman comme art du silence.Entre le régisseur.— Alors ?R. — Rien. Nulle part. Je suis allé à pieds jusqu’à la chapelle Sainte Sixte, une heure aller, une heure et demie retour, par le chemin de la colline. Je suis épuisé. Ce bonhomme m’épuise.RPM. — J’avoue que j’en ai plus qu’assez de ses caprices. A deux heures de la représentation, à quoi cela rime-t-il ?RPF. — Il se fait désirer, voilà tout. C’est son caractère. Avouons que nous sommes tous un peu comme lui. Mais je le connais. Il va rentrer d’une minute à l’autre.— C’est ce que vous croyez. Rien ne prouve que vous ayez raison et qu’il ne nous laisse à notre sort, avec un public qui sera là bientôt. Quand vous verrez le public dans la salle, vous changerez peut-être d’avis. Les hommes cravatés, les femmes poudrées.— Vous qui le connaissez, vous souvenez-vous qu’il ait déjà agi de la sorte ?— Une fois, il y a longtemps (???)— A quoi bon ces enfantillages ? A quoi bon jouer ainsi avec nos nerfs ? Cet homme est cruel. N’allez pas chercher de grandes explications, de grande philosophie. Cet homme est cruel, etc. (il se réjouit de sa méchanceté, il se repaît de nous avoir ainsi, etc.)— Ce n’est pas avec nos nerfs qu’il joue, mais avec les siens (cruel avec lui-même). Il aime cette tension, il aime le danger. La vie lui a toujours paru trop facile, et le théâtre, le public, affrontement.— En quoi cela nous regarde-t-il ? Nous sommes une troupe. Lui-même, combien de fois n’a-t-il pas disserté sur l’esprit de troupe, etc. Il nous faut courir avec ses théories, et le voilà qui coure dans la campagne et rit de nous avoir abandonnés.JC. — Que ferons-nous s’il ne vient pas ? (Silence.) Ne vaudrait-il pas mieux invoquer une mauvaise grippe ou une extinction de voix, ou encore un malaise ? A son âge, cela a facile à croire.PRM. — Ou bien le décès. Tant qu’à faire. N’y allons pas par quatre chemins.JC. — C’est ce quePRM. — Au moins, ce serait une bonne raison, et meilleure en tous les cas que ses folles promenades dans la campagne.— Nous dirons la vérité.— S’il lui est vraiment arrivé quelque chose ?